Compostage


Train Corail 12301 Paris-Compiègne, 6h45. "Dans quelques instants, je passerai dans les voitures. Si vous n'avez pas composté votre billet, merci de vous présenter à moi avant le début des opérations de contrôle."
La voix grésillante se faufile dans mes oreilles et se mélange au goût amer du café trop matinal. Damned ! Il va falloir que je me farcisse le contrôleur au lieu de me lover au creux des sièges, mon polar à la main. Avec sa casquette de LAPD Styleco, sa chemise violette et le frais visage de celui qui a l'habitude de se lever tôt, je sens qu'il va m'énerver.
Une page, un coup d'oeil. Un paragraphe, un coup d'oeil. Une phrase... Le voilà qui passe, en trombe. Quand je suis debout, il est déjà dans le wagon suivant. Une vraie petite bombe, cet ange du rail. Je le rejoins en essayant de ne pas me rétamer sur les voyageurs qui dorment — les bienheureux.
"Monsieur ! Bonjour, je n'ai pas composté mon ticket." Je ne remercierai jamais assez cette amie italienne qui m'a mis le mot "ticket" dans la bouche, pour désigner les billets de train. Depuis, j'ai l'air d'une parisienne bloquée dans son métro. "Oui, votre billet", annone-t-il en souriant tandis que je lui tend l'objet du délit. Son regard frise. Il sort la poinçonneuse de sa poche, perce trois trous dans la bande magnétique. Avec ça, je ne pourrai plus échanger frauduleusement ce voyage contre un autre.
Mais il n'en reste pas là : il dégaine un stylo bille de sa poche pectorale et inscrit un code au dos du billet, suivi de la date du jour : "IC 12301 le 17/07/09". Puis avec un plaisir non dissimulé, il extrait de sa sacoche un petit objet métallique et un encreur. Une bourrasque due au croisement d'un autre Corail manque de me flanquer par terre, mais lui reste droit comme un I. Le geste expert, il tamponne. Le cachet comprend le logo de la SNCF et encore un code : "PN 236".
Rendre inutilisable le billet ne suffit pas, il faut aussi authentifier que ce train Intercités 12301 a bien été pris ce jour. Pour cela, ma présence de voyageuse tangueuse a besoin d'être visée par un être étrange vêtu de violet et muni d'un sceau : je viens de rencontrer PN 236.
Enchantée.

Commentaires

Monsieur PN236 a quand même l'oeil qui frise. Preuve qu'il est encore humain malgré le choix de la couleur de sa chemise.
Clara - TKH a dit…
Oh que oui, il reste humain ! Etre humain si tôt le matin est même remarquable.

A bientôt, Monsieur Arf !
Anonyme a dit…
Bonjour, le brave contrôleur n'a pourtant pas fait son boulot complètement, règlement la mention qui doit figurer est "BNC Avisé + date + numéro de train + gare origine + son tampon" l'intérêt n'est pas tant rendre le billet inutilisable que de vous éviter des soucis si vous aviez une correspondance par la suite. Peut être ce train était il le seul sur votre billet donc on pourra lui pardonner la "légèreté" dont il a fait preuve, mais l'expérience aidant, en cas de soucis, je peux vous assurer que ces petits gribouillis sont très utiles.
Clara - TKH a dit…
Mes remerciements pour ces précisions qui laissent entrevoir un professionnalisme et une connaissance fine de ce que "fait" l'écrit. Effectivement, il n'y avait pas de correspondance au programme de ce Paris-Compiègne, même si de train en train on a parfois l'envie de prolonger le voyage...

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