Mon Essonne - Des bois dont on sculpte les rêves





Quand j’ai eu deux ans, ma mère a dû retourner travailler en Essonne. Elle était éducatrice au centre d’accueil de la DDASS de Brétigny-sur-Orge, avant de rencontrer mon père et de faire un enfant. Nous habitions alors un petit village du Limousin, il n’y avait pas de téléphone portable ni d’Internet, nous n’avions pas la télévision à la maison et je crois que le gros téléphone à cadran tournant n’a rejoint notre foyer que quelques années plus tard. Ma maman était de garde environ un week-end sur deux, je ne la voyais que très peu. Mes parents correspondaient par missives et il y avait toujours à mon intention une carte postale ou un dessin, avec certains des mots écrits en majuscules pour que je reconnaisse les lettres. J’ai su lire à quatre ans et demi, entre les « Emilie » de Domitille de Pressensé et les cartes postales de ma mère. Mon père était instituteur et aux vacances scolaires de la belle saison, nous rejoignions l’Essonne, en logeant dans ce qui était à l’époque le camping des Roches, à Saint-Chéron. C’est aujourd’hui un luxueux hôtel de plein air à 3 ou 4 étoiles, mais au début des années 1980 il était, quoiqu’immense, plutôt modeste dans ses aménagements, surtout hors saison. Parfois une cousine éloignée nous rejoignait, donnant à ces drôles de vacances un goût de famille recomposée. J’allais voir ma mère sur son lieu de travail, cette maison mystérieuse qui me tenait éloignée d’elle. On m’expliquait que les enfants d'ici n’avaient plus de parents, et que j’avais de la chance d’avoir un papa qui veillait sur moi et une maman vivante, même à 400 kilomètres. Je m’en contentais mais cela ne me redonnait pas l’appétit. Etrangement, ce sont uniquement des scènes de cuisine dont je me souviens dans ce foyer : ma mère organisant des agapes et des goûters pour tous ces enfants dont j’étais un peu jalouse, même si je n’en avais pas le droit. Je me souviens d’une grande d’au moins 9 ans, cheveux bruns, raides et longs, qui trouvait que le rôti ressemblait à une grotte. Une bataille de crème Chantilly. De grands bancs de bois dans la salle commune. Et le camping des Roches, où flottait dans la piscine de la salade – c’est ma cousine qui le disait, cela devait forcément être vrai. Un ballon qui sentait la fraise. Les immenses arbres dont je goûtais la sève et les petites feuilles tendres. Entre deux et cinq ans, ce ne sont que des bribes mais elles sont encore bien présentes dans ma mémoire. L’Essonne n’a jamais été une banlieue de Paris, dans mon esprit de petite fille. C’était une autre campagne que celle du Limousin, où poussaient de grands arbres et où travaillait ma mère. Ces frênes, noisetiers, chênes et pins ont dû lancer quelques graines au creux de mon être. Je les retrouve aujourd’hui avec ma famille – mon amour et mes deux enfants de deux ans et quatre ans – et nous habitons à notre tour dans un camping essonnien en attendant la construction de notre maison en bois dans la vallée de la Juine. Un village voisin de celui prévu au départ, un autre terrain encore plus beau et plus grand, avec des aulnes, des noyers et des pruniers.

L'Essonne n'en avait pas fini avec moi.

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