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Affichage des articles du 2009

Racolage moisi

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" Le Téléthon parasite la générosité des Français de manière populiste en montrant des enfants myopathes, en exhibant le malheur des enfants. Je trouve ça absolument inadmissible." Les mots de Pierre Bergé, Président de l'association de lutte contre le sida Sidaction , résonnent dans ma mémoire lorsque je reçois cette enveloppe dans ma boîte aux lettres. A la veille de la journée mondiale contre le sida , je vois rouge. Rouge comme le ruban dessiné en lieu et place du timbre, rouge comme le sang, rouge comme ces appels du pied des lettres qui cognent : "Appel de Noël" ; "Lisez à l'intérieur le témoignage de Sarah !" et, fortuitement, comme l'étiquette de réexpédition de La Poste. Sur cette enveloppe que je n'ai pas encore ouverte et que j'ai envie de déchirer, un message en lettres bleues, bleues comme mes veines, bleues comme l'encre qui sèche au fond de mon stylo plume délaissé pour le clavier blanc de mon ordinateur. Quand j&#

Plongée sous-marine

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Paris, vers la fin du mois d'octobre 2009. Un étrange tiroir dans une bibliothèque. Sur l'étiquette : « Requins / Compte pêcheurs ». De quoi s'agit-il ? Le nom de cette boîte ne donne pas tellement envie de l'ouvrir. Et si une bête surgissait, se déployant comme une bouée gonflable, toutes dents dehors ? Le morceau de scotch sur la face avant de l'objet prouve d'ailleurs qu'un squale a déjà manifesté sa désapprobation — on a voulu le sortir d'une sieste, il a riposté. Pour vider sa querelle, il a mangé tous les livres de l'étagère. Leroi-Gourhan avait un goût de limaille de fer, André-Georges Haudricourt sentait l'eucalyptus de Sibérie et la documentaliste venue arrêter son dîner revanchard, la myrtille. Des saveurs bien exotiques, pour un requin pèlerin originaire des Bahamas. Cet événement a marqué la fin d'une présence passive dans ce laboratoire d'anthropologie des techniques et des milieux maritimes. Révolté d'être uniquement co

Roman-photo du juste après

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L'histoire commence un jeudi d'octobre, à 6 heures. Le jour n'est pas encore levé sur l'automne parisien alors que j'achève l'ultime relecture de mon manuscrit de thèse — la relecture grammaticale, avec un logiciel adapté : traquer les fautes apparaissant en vert, vérifier, corriger. Je suis fatiguée après cette troisième nuit blanche de la semaine, il restera sûrement des coquilles, tant pis, il faut finir. J'ai rendez-vous à 9 heures chez l'imprimeur, je n'aurai pas le temps de dormir, un thé à l'huile essentielle de cannelle m'aidera à tenir. Devant les yeux, ma "To do list" entièrement cochée. "Intégration carto" : fait. Cahier photographique : fait. Liste des entretiens en annexe : fait. Mon document \LaTeX n'attend plus que moi. J'appuie sur "Composer", le compilateur se met en route et délivre un PDF. Je grave deux CD — l'un pour l'imprimeur, l'autre pour ma directrice de thèse. Je gli

Relance

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Lyon, 26 août 2009, place Louis Pradel à côté de l'opéra. C'est l'histoire d'une petite flèche rouge qui pointe vers le ciel bleu. Au-dessus de cette flèche, sur une immense affiche plus claire que le ciel, le logo de la République Française et le nom d'un ministère. A moitié dans l'ombre, un titre : " Travaux d'aménagement du nouveau commissariat de police du 1er arrondissement ". En cette fin de vacances, alors que le travail reprend son rythme encore emmêlé d'algues et de piques-niques au bord de l'eau, l'immense affiche de la place Louis Pradel est une harangue. " On bosse, nous, on ne s'est jamais arrêté ! " Aucun échafaudage en vue, aucun ouvrier non plus, ce n'est pas grave : l'affiche est là. Au centre du rectangle bleu plus clair que le ciel se hisse la véritable raison d'un tel déploiement graphique : faire connaître le généreux pourvoyeur de ces travaux invisibles. " Projet financé par le plan

Le Philip Marlowe de la rue de Provence

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par Anthony Poiraudeau C'est par une enseigne en plexiglas, aux caractères noirs et rouges, que s'annonce aux passants le Philip Marlowe de la rue de Provence. La transparence du support, qui permet aux lettres et aux chiffres d'être vus depuis deux côtés opposés, qui leur permet c'est-à-dire d'apparaître à l'envers lorsque vus depuis l'un des deux côtés, montre les deux tubes néon qui feraient prendre les 9 pour des 8 et qui, s'ils étaient allumés, par un soir d'hiver ou une matinée brumeuse, diraient un peu plus loin DETECTIVE 47 70 90 92, un peu plus fort. Huit chiffres, pas dix ; une enseigne d'avant l'automne 1996. La plaque murale, cabinet médical style, notaire style, expert-comptable style , répète l'enseigne, ajoute deux chiffres au numéro de téléphone parce que depuis l'automne 1996, on ne s'est pas laissé aller non plus, entendons-nous bien : si on conserve l'enseigne en plexiglas, c'est parce qu'on en a déc

Vie scolaire

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Paris, rue d'Alesia, juillet 2009. Les élèves du collège sont en vacances depuis plusieurs semaines, mais les écrits exposés qui régentent leurs jeunes années restent présents sur les vitres des portes d'entrée. Pour le touriste de passage, ces affichettes ouvrent sur un univers effarant. Un monde où il existe des "feuilles bleues d'élèves sans carnet", dans lequel un oubli ou une négligence de protocole peut conduire à perdre une heure de sa vie au fond d'une salle de classe aux murs blancs. Un monde peuplé de formulaires, de routines criblées d'inscriptions, de contrôle d'entrées et de sorties. La consigne, datant du 9 janvier, a due être imprimée, signée et affichée après un semestre entier d'épuisantes contrevenances : l'élève doit signaler avant midi qu'il est présent dans l'établissement. Comment, en effet, pourrait-il en sortir alors qu'il n'y a pas officiellement pénétré ? "- Mais Madame, vous voyez bien que je suis

Une bouteille à la Loire

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Saumur, entre deux ponts, juillet 2009. C'est une arrivée sous la pluie, dans une ville inconnue. Une veste de travail sur la tête pour se parer des gouttes, des chaussures à talons hauts torturant les pieds. Mais il faut continuer d'avancer, vaille que vaille, trouver le gîte et le couvert pour vite se réchauffer. Pas un chat dans les rues. Une voix perce le rideau glacé et j'aperçois une silhouette rose qui s'agite à la fenêtre d'un rez-de-chaussée. "Mademoiselle, Mademoiselle!" Une grand-mère se tient debout, sa main me fait signe d'approcher. "- Est-ce que vous pouvez entrer un moment chez moi, j'ai un service à vous demander. - Je n'ai pas vraiment le temps d'entrer, mais que puis-je pour vous aider ?" (Je n'ai pas du tout l'intention de m'attarder, mais je ne résiste pas aux mamies roses.) Elle parle tout à coup si bas que je suis obligée de m'avancer au-delà de la limite où le corps de l'autre ne peut pl

Compostage

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Train Corail 12301 Paris-Compiègne, 6h45. "Dans quelques instants, je passerai dans les voitures. Si vous n'avez pas composté votre billet, merci de vous présenter à moi avant le début des opérations de contrôle." La voix grésillante se faufile dans mes oreilles et se mélange au goût amer du café trop matinal. Damned ! Il va falloir que je me farcisse le contrôleur au lieu de me lover au creux des sièges, mon polar à la main. Avec sa casquette de LAPD Styleco, sa chemise violette et le frais visage de celui qui a l'habitude de se lever tôt, je sens qu'il va m'énerver. Une page, un coup d'oeil. Un paragraphe, un coup d'oeil. Une phrase... Le voilà qui passe, en trombe. Quand je suis debout, il est déjà dans le wagon suivant. Une vraie petite bombe, cet ange du rail. Je le rejoins en essayant de ne pas me rétamer sur les voyageurs qui dorment — les bienheureux. "Monsieur ! Bonjour, je n'ai pas composté mon ticket." Je ne remercierai jamais

Echéance

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Paris, 13è arrondissement, juillet 2009 L'univers des HLM est peuplé d'habitants sans mémoire. La première semaine du mois passée, quand le salaire se fait attendre et que les allocations ont du retard, ils oublient de payer leur loyer. Heureusement, une affichette scotchée à la porte vitée est là pour rappeler la date d'échéance à tous ces insouciants. Chaque fois qu'ils entrent ou sortent de l'immeuble, les lettres violettes leur sautent au visage, comme le souvenir d'un mauvais rêve ressurgissant par bribes au creux de la journée. Mise à part la sommation à l'impératif, les rédacteurs de l'affichette ne semblent pas accorder d'importance au soin de formuler des phrases. Un titre, des dates, un lieu et le logo du bailleur en guise de signature suffisent à produire un effet. Pour ne pas lasser les habitants et risquer de passer du côté du décor, les couleurs de l'affichette changent tous les mois : mars vert, avril jaune, mai rose, toujours dans

Cathomobile

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Baie de Somme, juin 2009. Comme une résurgence du film 21 grammes , avec la voiture de Benicio del Toro apportant la mort en proclamant l'amour de Dieu. Mais une Renault 21 à injection directe n'a pas la classe d'un Dodge Ramcharger 5,2 litres et dans les rues du Crotoy, elle semble bien inoffensive. Méfiance ! La cathomobile a plus d'un sort dans son sac. Des psaumes sont inscrits sur des feuilles A4 de couleur, scotchées à l'intérieur des vitres. On peut y lire des prières de demande aux relents prosélytes, comme si la voiture n'était plus seulement garée, mais exposée aux yeux des passants qu'il faut éduquer à l'oraison. La vitre arrière de la voiture se veut souriante. Les messages inscrits sur les feuilles de couleur exhorte à la bonne humeur. En circulation, cette partie de la voiture est en effet celle qui est le plus souvent regardée par les autres automobilistes, notamment lors d'une file ininterrompue de véhicules. C'est là qu'on s

WishWall

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- Je m'en souviens comme un jour de printemps. Dans cette ville à l'air libre, on avait pour habitude d'inscrire des mots sur de petits morceaux de papier, quand on désirait quelque chose. D'abord notre prénom, puis trois vœux, dans l'ordre d'importance. On écrivait uniquement pour les autres, jamais pour soi-même. Il n'était pas nécessaire de consigner le nom du bénéficiaire de ces demandes : à chaque coin de rue, sous un abri vitré, des panneaux d'affichage réunissaient les désirs des uns et des autres pour telle ou telle cause. Au croisement du boulevard de Strasbourg et du boulevard Saint-Denis, c'était le panneau pour les voyageurs au long cours, boulevard Arago-rue de la santé, pour les prisonniers, avenue Trudaine-rue Turgot, pour les causes désespérées. Ce dernier panneau rencontrait d'ailleurs un tel succès qu'il avait dû être transféré place de la Concorde, mais il fut définitivement déplacé au jardin des Plantes lorsque plusieurs p

Votif 404

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Une erreur 404 bien bonne sur le site korben.info (blog de news geek, informatique et tech) : Bon, je m'en vais écrire une petite prière à Orly Sud. Si ça se trouve, quand je serai de retour, la page sera revenue.

Le système a planté

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A deux pas de la tour Montparnasse qui surplombe notre soirée de printemps, le titre d'une affiche attire notre regard : "Erreur de la banque en votre faveur". Insérée dans un mobilier urbain de la RATP (de l'autre côté, il y a un plan de métro), cette affiche nous nargue. Une erreur de la banque, c'est rare. Surtout en ce moment. Surtout en notre faveur. Le nom de la station de métro finit de nous mettre en joie. En y regardant de plus près, on s'aperçoit qu'un autocollant a été posé sur la vitre. Il imite le message d'erreur d'un système d'exploitation informatique (j'ai bien dit : informatique). "Le système a planté, voulez-vous le remplacer ?" Deux choix semblent s'offrir à nous, comme un écho au sommet économique mondial dont on a largement chanté les louanges. "Refonder le capitalisme" ? "Moraliser la finance"? La petite main gantée de blanc nous propose une autre solution : remplacer le système. Elle

La seconde vie du bois mort

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Lille, jardin de la citadelle Vauban, mars 2009 "Ne vous fiez pas aux apparences. Cet arbre est mort, et pourtant, il abrite une vie insoupçonnée..." Clouée sur le tronc d'arbre, la pancarte du service "gestion des arbres de la ville" tâche de nous éduquer à l'écologie et aux sciences de la vie (énumérant les espèces qui peuvent y nicher "pic épeiche, sittelle, cardinal et chauves-souris"). Mais elle mentionne également au promeneur que Lille prend soin de ses vieux troncs ("il est régulièrement surveillé") comme de ses habitants ("il ne représente donc pas de danger"). Cette pancarte s'apparente aux affiches rassurantes placardées sur les bâtiments abandonnés : "Ici, la ville construit pour vous 60 logements sociaux." La ville veille et ne cesse de le rappeler. Visiblement, cet arbre mort abrite une autre forme vivante : les graffitis. Il me raconte surtout que la mort héberge la vie dans un cycle incessant, que l

There's a place

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Ile d'Oléron, septembre 2008. Une fois la photo prise, la lueur est restée. A la fin du voyage, la route a continué de serpenter entre chenaux et rivières salées. à Bernard (1949-2009) Merci pour les chemins que tu as tracés. "Toute vie est ponctuée de morts ou de départs, et chacune ou chacun cause de grandes souffrances qu'il vaut mieux endurer que de ne pas avoir connu la présence de ces personnes quand elles existaient. Mais chaque fois notre univers se reconstitue de soi-même, et nous savons du reste que lui non plus ne durera pas toujours." Margerite Yourcenar - Les Yeux ouverts Merci à Aurélia et à Juan — pour ces mots.

Question

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Lyon, jardin de la Grande-Côte, 21 février 2009. Atelier d'écriture et danse sur fil.

Quai banni

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Lyon, gare Part-Dieu, août 2008 Attention à ne pas poser les pieds sur les lettres.

Orange can

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La foule La famille Et soudain Ils disparaissent

Embastillés

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Lyon, Montée Saint-Sébastien, le 5 février 2009 Une autre affiche de concert, cette fois sur un mur d'habitation de "la Saint-Seb' ". Les lambeaux de papier montrent qu'il s'agit d'un bon "spot" malgré la virulence des arracheurs, à hauteur de regard pour le passant exténué qui arrive au bout de sa course vers les sommets de la Croix-Rousse. La côte est rude et pour les piétons, le chemin périlleux, avec ses trottoirs minuscules qui vous collent au mur — comme des affiches. Ici, le lieu du concert n'est pas nommé. " Ceux qui veulent savoir parviennent à trouver tout seuls ", d'un blog à une librairie, d'un pote-de-pote à un plan de quartier.

Surveille tes arrières

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Lyon, affichage libre sur les portes du Centre Social Autogéré, rue des Tables Claudiennes, le 18 août 2008 Dans les squats lyonnais, des mutants radioactifs se cachent souvent dans les toilettes. Le lieu de l'attaque est variable : une maison bourgeoise à l'abandon, une ancienne usine de bikini avec piscine sur le toit, de vieux ateliers d'imprimerie, la succursale d'une banque... Les organisateurs de concerts tentent de prévenir les éventuels spectateurs par tous les moyens mis à leur disposition : sites Internet, mailing lists, bouche à oreille et surtout affichage public, donnant lieu à des créations graphiques collectors. Depuis qu'une brigade municipale file des amendes à tout ce qui colle, ces organisateurs optent pour deux solutions : le scotchage (moins réprimandé) et l'affichage sur des supports autorisés. Ici, il s'agit de la porte du Centre Social Autogéré de la Croix-Rousse, lieu "alternatif" mais protégé par un bail, qui organise con

Dance in the light

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"Il faut beaucoup de chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse." F. Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra Ile d'Oléron, septembre 2008. En écoutant James Gang, "Ashes the rain and I"

Bonne année 2009

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Et comme en de lents cercles, il va pour t’entreprendre Le décor s’aplanit, les courbes se défont Tout se dégage, oui, sans doute las de t’attendre C’est lui qui vient à toi ; il est là : l’horizon. Dominique A. Marseille, novembre 2008, départ pour les îles du Frioul