Recyclage, surcyclage et récup' : comment meubler une maison ?

William McDonough et Michael Braungart,
Cradle to cradle, Créer et recycler à l'infini,
Editions Alternatives, 2002

La maison n'est pas encore construite que nous songeons déjà à la meubler. Dans le projet initial, une Tiny House, il fallait penser à se délester, à désencombrer, à vivre avec l'essentiel. Avec cette nouvelle configuration, plus classique, nous tenterons de rester dans la même perspective. Exit l'accumulation d'objets tous plus inutiles les uns que les autres, les doublons, les "on garde, on ne sait jamais, ça pourrait servir". Et pour cela, point n'est besoin d'attendre la pose du premier pan de mur : on commence aujourd'hui. On trie, on donne, on revend, on fait entrer les objets dans le cycle d'une nouvelle vie... Et comme la nature a horreur du vide, on essaie de remettre du sens dans ceux qui franchiront le pas de notre porte.

Recyclage, récupération, surcyclage, de la palette à la tablette bien chouette 

Le livre fondateur de l'économie circulaire, Cradle to Cradle, (du berceau au berceau, par opposition à l'expression "du berceau à la tombe") propose non pas de mesurer l'impact environnemental d'un produit de sa fabrication à son élimination (du berceau à la tombe, donc) mais de repenser cette production dans un cycle fermé où le produit en fin de vie devient lui-même ressource pour une réutilisation. 
  • Dans le recyclage, les matériaux d'un objet sont récupérés pour être "sous-cyclés", transformés en matière première. C'est le cas par exemple des emballages en cartons ou des journaux, qui redeviendront du papier. (Objet > Matériau)
  • Dans la récupération, ou réutilisation, un objet connaît une deuxième vie tel qu'en lui même. C'est le cas des habits de bébés passés de main en main, que plusieurs petits porteront.
    (Objet = Objet)
  • Dans le "sur-cyclage", l'objet est amélioré, transformé en produits de qualité ou d'utilité supérieure. (Objet < Objet)
Un exemple de ce "sur-cyclage" que nous suivons de près est la réutilisation de palettes. En les choisissant avec soin en fonction de leur marquage, il est possible de les transformer, que dis-je, de les magnifier !
On passe donc de ce type d'objet :

à ces siouperbes meubles de jardin :
Mobilier de jardin en bois de palettes,
http://www.1001pallets.com/2014/05/complete-pallet-garden-set/
Tadaaam ! Up-cycling !

Bon, pour arriver à ce résultat, il va falloir se sortir les doigts de la scie-sabre. Et se documenter sur les plateformes de joyeux bricoleurs engagés dans cet univers de la production collaborative. En vrac et en planchettes, voici quelques pistes :
  • Chez 1001 Pallets, tu refais ton mobilier du sol au plafond avec des palettes. Et sur cette page, tu peux proposer ton œuvre. Plus de 267 000 fans sur Facebook, ça en fait du monde qui rêve de débiter du p'tit bois !
  • Francophone, plus pépère, plus brico-casto, tu as Esprit Cabane qui propose plans et idées pour fabriquer ses meubles. Immanquablement, tu tomberas sur quelques palettes. 
  • Chez Woodself, on parle aussi français, et tu peux trouver quelques plans super sympas pour faire une table de pique-nique, un bac à compost, une armoire, un abri en bois...
  • L'association Entropie, à Grenoble, propose des notices de fabrication et organise des ateliers pour réveiller le bricoleur et le transformateur du quotidien qui sommeille en toi. J'y retrouve une ancienne connaissance de ma vie Lyonnaise, artiste plasticienne qui réveillait les rues et les consciences, et cela ne m'étonne pas ! :)
  •  Alors là ça ne rigole pas, chez Opendesk c'est le monde du design "open source" au service de l'open-space et des bureaux. Des tables et des chaises à fabriquer toi-même qui te passeront pour toujours l'envie d'aller chez Ikéa.
  • Tiens, à propos du Suédois, si tu ne sais pas quoi faire pour embellir tes Kallax (Ex-Expedit), Billy et autres Besta, tu trouveras un millier d'idées plus farfelues les unes que les autres chez Ikéa Hackers, le site collaboratif anglophone pour la transformation des meubles du magasin jaune et bleu aux saucisses pourries. 
  • En français, le même principe chez Ikéa Bidouilles. Là aussi tu peux proposer tes réalisations à la grande cause de la connaissance collective. (Attention, les taches de régurgitos du petit dernier ne comptent pas comme up-cycling !)
Un monde s'ouvre à nous, et comme on ne se refait pas, ça me fait réfléchir. Liste non exhaustive de quelques recherches à suivre : 
  • Sur la culture de la réparation, du recyclage, de la réaffectation, voir Felipe Fonseca et sa pensée de la "culture maker", issue d'années de pratique au sein du réseau MetaReciclagem au Brésil ans le début des années 2000. Ce bidouilleur d'ordinateurs mis au rebut nous livre sa vision désenchantée de la "récupération" du mouvement (c'est un comble, pour un mouvement de recyclage !) par l'industrie traditionnelle. 
"Les produits industriels qui souffrent d’obsolescence programmée pouvaient être réparés, puisque des armées d’amateurs allaient utiliser l’Internet pour partager des modèles numériques de pièces de rechange. De nouveaux types de sens et d’engagement influencés par ces approches de l’expression culturelle et matérielle allaient se développer. Les possibilités découlant des mouvements du logiciel libre et des hackers allaient changer in fine l’ordre des choses."
"Et pourtant… nous nous sommes retrouvés dans un monde de geeks débutants montant des kits préfabriqués d’imprimantes 3D, avec lesquelles de futurs designers tendance (souvent eux-mêmes nouveaux geeks) peuvent faire fondre beaucoup de plastique – pratiquement non recyclable – pour fabriquer des prototypes de nouveaux produits, espérant ainsi devenir riches et célèbres. La plupart de ces prototypes ne serviront à rien, mais leurs créateurs vont tout de même spammer Facebook, Twitter et Instagram pour essayer de nous convaincre qu’ils construisent notre avenir (meilleur, d’une manière que personne ne peut préciser). Qui sait, ils seront peut-être invités à faire un « TED Talk » ou recueillir des fonds sur Kickstarter. Ou au moins devenir consultants pour une ONG internationale disposée à développer des « technologies pour l’éducation ».
Et voilà comment on oublie les hackers qui se font des ampoules aux mains en s’efforçant de devenir menuisiers"
"La culture de la réparation, en ce sens, n’est pas un simple effet secondaire du développement des sociétés industrielles. Au contraire, c’est l’une des rares niches distribuées et cohérentes de résistance à la transformation de toute créativité humaine en produit quantifiable."
> Moi ça me donne des frissons partout ce genre de texte !
  • A suivre également les travaux en cours de Jean-Samuel Beuscart, également un ancien collègue chez Orange Labs, qui mène une enquête sur "les usages de la consommation collaborative, définie comme l’échange de biens et services entre pairs, intermédié par une nouvelle génération de plateformes en ligne (blablacar, vide-dressing, corecyclage, drivy)." Même si la recherche de Jean-Samuel n'est pas spécifiquement centrée sur le recyclage, elle le comprend dans les usages étudiés.

Et alors pour la maison, on en est où ?

Après quelques péripéties liées à la caution du prêt (les organismes de cautionnement n'aiment pas les gens qui ne sont pas en CDI), nous avons obtenu une offre de prêt spécifique à l'éco-construction par le Crédit Coopératif. Nous sommes très contents de cette offre car cette banque coopérative et solidaire correspond à nos valeurs. Le permis de construire est déposé auprès de la commune où se situe notre futur terrain, il doit obtenir l'avis des architectes des bâtiments de France, on croise les doigts !

Ceci est le neuvième billet sur notre projet d'habitat familial écologique. Retrouvez les autres billets ici :
- Romans d'été
- L'aventure de proximité
- Faire vivre le rêve
- Le mouvement Tiny Houses 
- Changement de programme (sur un même chemin)


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